À propos des identités communales…

14 juin 2021

À l’origine l’intercommunalité avait été pensée comme un outil au service des communes et
décidé par elles de manière volontaire, pour faire à plusieurs ce qu’aucune ne pouvait faire aussi bien
seule.

Finalement c’est devenu un moyen, faute de pouvoir clairement les supprimer, de vider les
communes de leur substance au profit de plus grands ensembles, le plus souvent incohérents.
Au lieu de simplifier l’organisation administrative et de rester au plus près du terrain, au plus
près des habitants, ces échelons intercommunaux se sont multipliés depuis une quinzaine d’années :
communautés de communes, communautés d’agglomération, pays, Établissements Publics de
Coopération Intercommunale, etc., comme autant d’échelons administratifs qui compliquent toujours
un peu plus nos perceptions, que nous soyons citoyens ou élus, et qui nous éloignent des centres de
décisions.
Et on peut se demander parfois si tel n’est pas le désir de nombre de décideurs qui sont ainsi
sans interlocuteurs du terrain, sans contradictions et semblent bien s’en accommoder.
Ces nouvelles lois de réaménagement territoriales, imposées par le haut, provoquent
actuellement de vives tensions, entre les communes et entre les intercommunalités historiques. Des
tensions ou des conflits liés à des enjeux économiques, de transferts de responsabilités ou de
compétences, de représentativité (les responsables de ces collectivités ne sont pas élus par les
citoyens) et d’équilibre des pouvoirs.
Ce sont là les premières conséquences visibles de leur mise en oeuvre.
Cette évolution majeure de l’organisation territoriale, menée à marche forcée, tourne le dos au
principe de la « coopérative de communes » qui primait jusqu’alors et qui était basée sur l’adhésion
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et la pleine maitrise des maires et municipalités. L’intercommunalité est un outil au seul service des
communes et non un échelon technico-administratif au dessus de leurs têtes qui leur dicterait leurs
décisions et s’affranchirait de leurs voeux profonds.
Beaucoup d’élus portent déjà le fer dans un rapport de force inégal. Le socle fondamental reste
la coopération intercommunale : « L’intercommunalité doit rester un outil, un “moyen au service de”,
volontaire et cohérent, et non l’antichambre de la suppression des communes ».
Au moment où d’autres spéculent de manière lancinante et stérile sur « l’émiettement
communal » et vont jusqu’à malmener nos libertés municipales inaliénables, Tocqueville leur
rafraîchit opportunément la mémoire : « c’est dans la commune que réside la force des peuples libres.
Sans l’institution communale une nation peut se donner un gouvernement libre, elle n’a pas l’esprit de
liberté ».
La communauté de communes n’est rien d’autre qu’un outil, une coopérative de communes à
son service, et qui est en fait, sa seule raison d’être. La décision doit toujours rester au plus près du
terrain, au plus près des habitants, là où affleure la vie et se noue le lien, le sensible, le partage, les
contradictions et les conflits, l’incarné.
S’il existe une taille critique pour construire une piscine ou un gymnase, il n’y en a aucune
lorsqu’il s’agit du désir, de la créativité et de l’action des hommes.
L’actuelle fuite en avant parée de suffisance surplombante et gestionnaire ne doit pas
détourner notre regard sur ce qui est fondamental et engage l’avenir : comment ouvrir les voies et
forger les clés de l’invention de l’identité nouvelle des villages et des villes d’aujourd’hui.
Au moment où ces nouvelles lois semblent vouloir détruire l’échelon municipal, s’emparer de
cette notion d’identité communale avec pour horizon la réinvention de nos communes est sans doute
un moyen de renforcer la singularité de chacune d’entre-elles, et leurs capacités de dialogue avec les
autres formes d’organisation territoriale.
C’est aussi l’occasion de prendre part à la bataille contre la pensée unique et le centralisme
Français qui assèche le pays, un moyen concret de défendre les libertés communales et au-delà, de
s’inscrire dans un mouvement plus large, celui du renouveau de notre nation et de son identité
plurielle.

 

Reinvention des villages – juin 2020